Sucres ou graisses, calories ou calories ?

Vous avez tou­jours enten­du dire que les sucres (glu­cides) étaient la meilleure source d’énergie pos­sible, celle que notre orga­nisme uti­lise de pré­fé­rence, et qu’il était impor­tant d’en consom­mer à chaque repas, sur­tout les « sucres com­plexes » comme les fécu­lents. Les graisses étant bien évi­dem­ment à consom­mer avec une grande modération.

Pourtant les sucres sont une bien piètre source d’énergie, fort peu ren­table, et ne repré­sentent en aucune manière la source éner­gé­tique pré­fé­rée de notre orga­nisme, de nos cellules.

Je m’explique :

L’évolution a doté nos cel­lules de cen­taines, de mil­liers pour cer­taines, de mito­chon­dries, micro­sco­piques usines chi­miques qui fabriquent notre éner­gie (ATP) à par­tir de l’oxygène que nous res­pi­rons et des nutri­ments appor­tés par l’alimentation. Il se trouve qu’en réa­li­té nos mito­chon­dries pré­fèrent, de très loin, les acides gras issus des graisses, au glu­cose issu des sucres.

Nos loin­tains ancêtres le savaient par ins­tinct et par expé­rience, pour sur­vivre ils étaient en quête per­pé­tuelle de graisses (1); les sucres étaient plus ou moins occa­sion­nels en fonc­tion des sai­sons et des chan­ge­ments cli­ma­tiques, alors que la viande grasse était dis­po­nible (à condi­tion de réus­sir la chasse) toute l’année, par tous les temps et par tous les climats.

Notre orga­nisme n’a qu’une très faible capa­ci­té de réserve de glu­cose sous forme de gly­co­gène, envi­ron 100 grammes dans le foie et 400 grammes dans l’ensemble de la mus­cu­la­ture ; notre réserve de graisse est quant à elle illi­mi­tée. La nature aurait donc été bien impru­dente de nous faire dépendre d’une aus­si faible réserve d’énergie si les sucres étaient une prio­ri­té pour notre sur­vie. Mais il n’en est rien, fort heureusement.

Notre orga­nisme est en fait géné­ti­que­ment adap­té au car­bu­rant « graisse ». De plus, le glu­cose tou­te­fois indis­pen­sable au fonc­tion­ne­ment de cer­taines cel­lules spé­ci­fiques est très faci­le­ment et très lar­ge­ment four­ni par l’organisme qui le pro­duit lui-même par néo­glu­co­ge­nèse. C’est grâce à ce sys­tème phy­sio­lo­gique effi­cace que l’Homme a pu chas­ser et pour­suivre ses proies des jour­nées durant sans man­ger, et que l’humanité a tra­ver­sé de nom­breux mil­lé­naires de gla­cia­tion durant les­quels les sucres n’étaient pas disponibles.

Les sucres ne sont pas indis­pen­sables à notre fonc­tion­ne­ment éner­gé­tique, mais aujourd’hui en rai­son de croyances absurdes, un seul repas sans sucres paraît être une héré­sie nutri­tion­nelle, une incongruité !

Les sucres ne sont abso­lu­ment pas une pré­fé­rence mais une urgence méta­bo­lique. La four­chette de nor­ma­li­té du taux de sucre san­guin est très res­treinte, et l’organisme ne se trouve jamais sur­pris par une hyper­gly­cé­mie délé­tère lorsqu’il fonc­tionne aux graisses et qu’il fabrique lui-même son glu­cose. En revanche, il se retrouve très sou­vent en état de gly­cé­mie éle­vée lorsque nous consom­mons les quan­ti­tés de sucres usuelles de l’alimentation moderne (55% et plus de l’apport calo­rique total !).

La réac­tion est alors immé­diate, l’organisme déclenche une sécré­tion impor­tante d’insuline afin de rame­ner urgem­ment le taux de glu­cose à un niveau accep­table, c’est-à-dire l’é­qui­valent d’un peu moins d’un sucre de table pour 5 litres de sang ! L’organisme a éla­bo­ré ce sys­tème effi­cace de régu­la­tion car il sait par­fai­te­ment que le sucre abîme et oxyde rapi­de­ment ses cel­lules, dété­riore tous ses sys­tèmes vitaux, et ins­talle sour­noi­se­ment une inflam­ma­tion sys­té­mique chro­nique pré­cur­seur de mala­dies car­dio­vas­cu­laires. Grâce à l’insuline sal­va­trice, le sucre san­guin en excès est immé­dia­te­ment dévié vers les cel­lules grais­seuses pour y être trans­for­mé en graisse cor­po­relle et sto­cké, sou­vent défi­ni­ti­ve­ment en cas d’insulinorésistance.

Pourquoi les sucres sont-ils trans­for­més en graisse ? Parce que les réserves de gly­co­gène sont en per­ma­nence rem­plies en rai­son d’une ali­men­ta­tion riche en sucres et d’une vie phy­si­que­ment peu active. Ce sys­tème de fonc­tion­ne­ment répond par­fai­te­ment à l’urgence méta­bo­lique créée par l’ingestion de sucres en quan­ti­té, mais ins­talle mal­heu­reu­se­ment le méta­bo­lisme dans un sys­tème de mon­tagnes russes « hyperglycémie-hypoglycémie » qu’il déteste.

Les sucres et l’insuline trans­forment avec les années les orga­nismes en machines à fabri­quer et sto­cker de la graisse.

Les sucres sont une source fort médiocre sur le plan éner­gé­tique, disais-je en pré­am­bule, com­pa­rés aux acides gras les plus cou­rants, voi­ci la preuve biochimique :

  • Une molé­cule de glu­cose pro­duit 38 ATP

  • Une molé­cule d’acide lau­rique pro­duit 95 ATP
  • Une molé­cule d’acide myris­tique pro­duit 112 ATP
  • Une molé­cule d’acide pal­mi­tique pro­duit 129 ATP
  • Une molé­cule d’acide lino­léique pro­duit 142 ATP
  • Une molé­cule d’acide oléique pro­duit 144 ATP
  • Une molé­cule d’acide stéa­rique pro­duit 146 ATP

Ce qui veut dire qu’à calo­ries égales une ali­men­ta­tion riche en graisses ali­men­taires four­ni­ra beau­coup plus d’énergie qu’une ali­men­ta­tion riche en sucres. La san­té de nos mito­chon­dries et de toutes nos cel­lules dépend de l’énergie four­nie par nos mito­chon­dries, mieux vaut donc en pro­duire beaucoup.

Notre cœur consomme six kilos d’ATP pour assu­rer ses bat­te­ments quo­ti­diens, notre orga­nisme consomme envi­ron son propre poids en ATP.(2)

Prenons l’exemple d’une ali­men­ta­tion quo­ti­dienne de 2000 calo­ries répar­ties selon deux confi­gu­ra­tions différentes :

  1. 55% sucres, 25% graisses, 20% protéines
  2. 18% sucres, 65% graisses, 17% protéines

La confi­gu­ra­tion numé­ro 2 per­met­tra aux mito­chon­dries de four­nir beau­coup d’énergie pour leur propre fonc­tion­ne­ment, entre­tien et régé­né­ra­tion, ain­si qu’à toutes les cel­lules de l’organisme et tous nos sys­tèmes phy­sio­lo­giques (car­diaque, céré­bral, immu­ni­taire, rénal, hépa­tique, ther­mo­ré­gu­la­tion, arti­cu­laire, cuta­né, etc…).

Si pour par­ti­ci­piez à une com­pé­ti­tion auto­mo­bile dans le Sahara et qu’à bud­get égal vous pou­viez dis­po­ser d’un véhi­cule d’une puis­sance de 100 che­vaux, ou un autre d’une puis­sance de 450 che­vaux, lequel choisiriez-vous pour vous don­ner une chance de ne pas vous ensa­bler et gagner ?

Lorsque vous vous sen­tez fati­gué, ne don­nez pas de sucres à votre orga­nisme, fournissez-lui de quoi pro­duire une éner­gie saine, des graisses alimentaires !

N’oubliez pas : les mito­chon­dries ont été conçues (par la nature, l’évolution ou qui vous vou­drez) pour uti­li­ser les graisses ali­men­taires et cor­po­relles, et non les sucres puisque peu pré­sents dans les rations ali­men­taires. L’homme a 3,5 mil­lions d’années, les céréales ne sont appa­rues pro­gres­si­ve­ment qu’il y a 10 000 ans, un clin d’œil à l’échelle de la bio­lo­gie et de l’his­toire de l’humanité.

Les mito­chon­dries peuvent uti­li­ser le sucre, certes, mais cela ne veut pas dire qu’elles le pré­fèrent aux acides gras, d’autant que le pro­ces­sus bio­chi­mique requiert une étape sup­plé­men­taire qui « encrasse » les cellules.

Mieux encore, lorsque l’organisme uti­lise les graisses pour four­nir de l’énergie, il pro­duit éga­le­ment une autre source d’énergie que les organes adorent : les cétones. Le cer­veau, le cœur et les reins ont un ren­de­ment 25% supé­rieur lorsqu’ils uti­lisent les cétones.

Pour cela, il faut consom­mer impé­ra­ti­ve­ment moins de 60 grammes de sucres par jour, et même entre 20 et 30 grammes en fonc­tion de l’insulinorésistance de cha­cun. Les cétones peuvent pour­voir jusqu’à 75% de l’énergie du cer­veau, les 25 autres étant assu­rés par le glu­cose issu de la néo­glu­co­ge­nèse lorsque l’a­li­men­ta­tion ne pré­sente qua­si­ment aucun sucres. Ce sys­tème de fonc­tion­ne­ment a des ver­tus anti-inflammatoires et per­met une plus grande pro­duc­tion de GABA, un neu­ro­trans­met­teur qui inhibe les ten­dances aux sur­ex­ci­ta­tions neu­ro­nales (épi­lep­sie, anxié­té, stress, troubles de l’humeur, migraines…).

Avec les cétones, les neu­rones ronronnent !

Entre sucres et graisses le choix est vite fait, mais encore faut-il que tous nous puis­sions faire le bon choix, que les infor­ma­tions de la science viennent à bout de la dés­in­for­ma­tion de la pseu­dos­cience. Le che­min est encore long car la pseu­dos­cience a beau­coup plus de moyens que la science. A nous de pro­pa­ger l’in­for­ma­tion juste, c’est ce que j’essaie de faire à mon modeste niveau.

Bon beurre !

1 – https://renaudroussel.com/blog/lhomme-chasseur-de-graisse-animale/

2 – https://renaudroussel.com/blog/adenosine-triphosphate-atp/

10 août 2018 | Mes brèves