Bactéries intestinales et production d’alcool !
Source : Cellpress
Article : https://www.cell.com/cell-metabolism/fulltext/S1550-4131(19)30447-4
Date de parution : 21.09.2019
Niveau de difficulté : Facile
La stéatose hépatique non alcoolique (NASH en anglais), et autres maladies du foie gras (NAFLD en anglais), sont un fléau montant qui atteindrait officiellement 110 millions d’Américains, soit un tiers de la population. Ce chiffre effarant n’est cependant qu’une estimation très optimiste étant donné le peu de personnes dépistées. La moitié de la population serait une estimation plus proche de la réalité.
Les maladies du foie gras, NASH et NAFLD, concerneraient dans leur ensemble plus d’un milliard de personnes dans le monde, estimation également optimiste.
Un foie gras est un foie malade qui engendre de nombreux troubles physiologiques : inflammation locale et systémique, fibrose, cirrhose, cancers digestifs, surpoids et obésité, syndrome métabolique, diabète, insulinorésistance, dyslipidémie, hypertriglycéridémie, pathologies immunitaires.
Nous n’engraissons pas que le foie des oies et des canards, par notre alimentation nous engraissons sans nous en rendre compte notre propre foie, ce qui représente une violence métabolique ignorée.
Je vous ai souvent parlé des facteurs impliqués dans les maladies du foie gras, comme la surproduction de gaz et d’acides gras volatiles (acétique, propionique et butyrique) liée à la digestion de sucres trop abondants, ainsi qu’à certaines carences nutritionnelles, notamment en choline. Mais un autre facteur non négligeable est à prendre en compte, la production d’alcool (éthanol) produite par certaines souches bactériennes à partir des sucres.
Toute personne ayant quelques notions de biochimie sait que la dégradation des substances fermentescibles comme les sucres complexes (polysaccharides : amidon, cellulose, pectine, inuline…) opérée par les bactéries commensales de nos intestins produit des gaz, des graisses et de l’alcool.
Ce processus est physiologique et naturel, nous sommes dépendants des bactéries pour digérer correctement nos aliments.
Les problèmes commencent dès lors que les quantités produites, liées aux quantités ingérées, dépassent nos besoins physiologiques et nos capacités métaboliques.
Les fermentations ont également lieu directement avec les sucres simples comme le fructose et le glucose lorsque la quantité ingérée dépasse la capacité d’absorption de l’intestin grêle qui se trouve extrêmement réduite lorsqu’une dysbiose intestinale (trouble de la flore bactérienne) est installée.
Nous sommes bien souvent, à nos dépends, les hôtes trop généreux de nos amis commensaux.
Toute personne qui n’a aucune notion de chimie, sait parfaitement que la fermentation du raisin produit de l’alcool : le vin.
Les principales souches bactériennes de notre tube digestif sont les firmicutes, les bacteroidetes, les actinobacteria, et les proteobacteria.
Parmi ces bactéries certaines sont plus promptes à produire de l’alcool que d’autres. Les scientifiques viennent de constater chez les personnes souffrant de NAFDL et de NASH, la présence anormalement élevée d’une souche bactérienne de la famille des proteobacteria, plus précisément de la sous-famille des klebsiella, particulièrement douée pour produire de l’alcool : la klebsiella pneumoniae.
En étudiant le cas d’un jeune chinois de 27 ans malade du foie, régulièrement saoul après l’ingestion de simples sodas, les chercheurs ont mesuré un taux d’alcool sanguin de 400mg/litre après consommation de repas riches en sucres et cependant totalement dépourvus de boisson alcoolisée.
L’alcool présent dans le sang de l’intéressé était un alcool endogène produit par les bactéries intestinales à partir des sucres, équivalant à l’absorption de deux verres de whisky de 3 cl ou deux verres de vin de 10 cl.
Après l’étude d’autres cas et la transplantation de fèces des individus chez des souris, ces dernières développèrent rapidement une NASH, et présentèrent des dommages hépatiques importants relatifs à une sévère atteinte mitochondriale, ainsi qu’une forte augmentation du stress oxydatif.
Les mêmes constats ont été faits après de simples perfusions de glucose et fructose chez les souris ayant développé une NASH.
Le cas récent de ce jeune chinois n’est pas un cas isolé, de nombreuses personnes à travers le monde se sont retrouvé verbalisées pour avoir été décelées positives à l’éthylotest lors d’un contrôle routier sans avoir bu de boisson alcoolisée.
Une précision importante :
Les bactéries adorent conquérir le territoire, en l’occurrence nous, et à ce jeu elles sont très douées. Elles gagnent à tous les coups dès lors qu’on leur en procure le moyen : les sucres en quantité de manière pérenne.
Lorsque le tube digestif se trouve envahi par une pullulation bactérienne de la flore de fermentation, la vidange de l’estomac devient déficiente, et dans les stases gastriques se développent des souches bactériennes qui n’ont rien à faire dans cet endroit : l’alcool devient du vinaigre, et tout aliment, même alcalin, ajouté au bol alimentaire deviendra acide.
Les remontées acides, brûlantes, contaminent alors la bouche et provoquent gingivites chroniques et autres infections buccales tenaces.
Nombreux sont ceux qui, à la quarantaine ou la cinquantaine, bien malgré eux, par méconnaissance, ont un tonneau de bière plus ou moins imposant à la place de l’estomac.
La production d’alcool peut donc débuter dès l’introduction d’aliments et de boissons non alcoolisées dans l’estomac. Il a été noté que des personnes souffrant de pathologiques digestives sévères pouvaient se sentir saoules après avoir consommé des frites !
Notons que la présence sanguine d’alcool endogène passe généralement inaperçue chez les personnes concernées en raison d’une quantité, certes bien réelle, mais modérée et habituelle, qui n’exclut cependant pas les dommages hépatiques tout aussi réels.
Pour nos bactéries bienheureuses, gavées de sucres abondants, c’est la fête de l’estomac au colon !
J’ai bien conscience qu’à la lecture de cet article, certaines personnes aux habitudes festives pourraient se servir de leurs nouvelles connaissances pour échapper à la punition administrative : « Monsieur l’agent, ce n’est pas de ma faute, je vous assure, j’ai trop de klebsiella pneumoniae », alors je vous avertis, il y a peu de chance que cela fonctionne !
Bon sucres, mais peu !
https://www.cell.com/cell-metabolism/fulltext/S1550-4131(19)30447 – 4