Corrélation prouvée entre consommation de viande rouge et cancer colorectal ?

Source : https://cancerdiscovery.aacrjournals.org/content/candisc/early/2021/06/11/2159-8290.CD-20-1656.full.pdf

Article :

Date de parution : 04.07.2021

Niveau de difficulté : Moyen

Une nou­velle étude affirme le prou­ver, la consom­ma­tion de viande rouge induit des muta­tions géné­tiques res­pon­sables du can­cer colorectal !

Bouh, le spectre mor­ti­fère de la carne infec­tieuse frappe à nouveau !

Ce sujet déli­cat, qui n’est pas sans avoir une cer­taine conno­ta­tion idéo­lo­gique, est une ten­dance actuelle tenace et récur­rente, un mar­ron­nier scien­ti­fique et média­tique qui se pré­cise au fil des années. 

La viande rouge, jusqu’alors sim­ple­ment sus­pec­tée de pro­vo­quer le can­cer colo­rec­tal, est aujourd’hui décré­tée assas­sine, acca­blée par des preuves scien­ti­fiques solides. 

Le 17 juin der­nier, une étude publiée dans la revue scien­ti­fique Cancer Discovery affirme avoir éta­bli plus pré­ci­sé­ment le lien entre la consom­ma­tion de viande rouge, trans­for­mée et non trans­for­mée, et le can­cer colo­rec­tal, avec la décou­verte d’une signa­ture géné­tique indu­bi­ta­ble­ment lais­sée par une forte consom­ma­tion car­née et carmin. 

Alors, allons‑y gaie­ment, haro sur le steak, sus à la chair tueuse suin­tante d’hémoglobine putride. 

Les consom­ma­teurs vam­pires sont pré­ve­nus, le rouge tue ! 

L’étude est reprise par tous les médias et fait le bon­heur des ado­ra­teurs du vert amour, du vert espoir, du vert nature, et sur­tout du vert…ueux. 

Les consom­ma­teurs rumi­nants en sont convain­cus, le vert sauve !

Alors, regar­dons de plus près cette indu­bi­table signa­ture géné­tique lais­sée par le cri­mi­nel lors de son acte mal­veillant, décou­verte par les cher­cheurs. (J’ose espé­rer que celle-ci n’est pas « Le lard m’a tuer », car là, il y a faute).

Cette étude a été finan­cée par un large panel de labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques dans le but d’acquérir une meilleure com­pré­hen­sion de la for­ma­tion et de l’évolution du can­cer colo­rec­tal, et ain­si de pré­ci­ser l’élaboration de futurs trai­te­ments plus effi­caces que ceux déjà existants.

Jusque-là, tout va bien, mieux com­prendre un méca­nisme com­plexe de réac­tions phy­sio­lo­giques pour sau­ver davan­tage de vies est tou­jours louable. 

Le pro­blème réside dans le manque de réflexion scien­ti­fique construc­tive et ration­nelle sur la cau­sa­tion de ce mécanisme. 

Car, encore une fois, il s’agit ici d’une étude d’association et non de causation.

Les scien­ti­fiques asso­cient le pro­ces­sus muta­gène indui­sant le can­cer à une consom­ma­tion de viande rouge après étude de la consom­ma­tion ali­men­taire des per­sonnes concer­nées sur plu­sieurs décen­nies (d’après un questionnaire). 

Effectivement, la consom­ma­tion de viande rouge est sys­té­ma­ti­que­ment liée à l’incidence du can­cer colorectal. 

De plus, après ana­lyse de l’exome de 900 can­cers colo­rec­taux, le pro­ces­sus d’initiation et de pro­gres­sion du can­cer étu­dié se trouve être cor­ré­lé à des muta­tions géné­tiques (dom­mages par alky­la­tion de l’ADN) induites par des com­po­sés N‑Nitrosés, pro­duits méta­bo­liques du fer hémi­nique san­guin ou des nitrates et nitrites de la viande. 

Bingo, can­cer colo­rec­tal, fer, sang, nitrates, nitrites, viande : le cou­pable est la viande rouge !

C’est tel­le­ment évident !

Mais, comme sou­vent dans les télé­films poli­ciers, lorsque le cou­pable est trop faci­le­ment dési­gné, il y a anguille sous roche, voire baleine sous gravier ! 

Nous allons voir qu’à ne pas regar­der plus loin que le bout de son nez, on risque de le fra­cas­ser au moindre obstacle. 

J’entends, ici, qu’une telle conclu­sion, trop hâtive, sans réflexion appro­fon­die et sans une vision d’ensemble du méta­bo­lisme humain, va mener bien des consom­ma­teurs vers une mau­vaise voie méta­bo­lique en les pri­vant, à tort, d’un ali­ment par­mi les plus nutri­tifs qui soient. 

N’oublions pas que l’Homme consomme de la viande rouge depuis qu’il est Homme, sans par­ler des nom­breuses lignées pré-humaines qui ont mené aux lignées humaines, et que la consom­ma­tion de viande rouge a très for­te­ment par­ti­ci­pé à sa sur­vie et à son évolution. 

Nous sommes tout de même en droit de nous poser cette ques­tion : com­ment l’Homme a‑t-il pu non seule­ment sur­vivre, mais aus­si évo­luer durant 2,8 mil­lions d’années en consom­mant autant d’un ali­ment qui le tue par cancer ?

Mais res­tons dans le strict cadre de l’étude qui nous intéresse. 

Rappelons les faits : 

La consom­ma­tion de viande rouge induit une pro­duc­tion de com­po­sés N‑nitrosés sus­cep­tibles de pro­vo­quer des muta­tions géné­tiques res­pon­sables du can­cer colorectal. 

Jusque-là, soyons hon­nêtes, on ne peut pas dire que ce soit faux. 

Précisons cepen­dant :

Cette sus­pi­cion des com­po­sés N‑nitrosés (nitro­sa­mines) remonte aux années 1950 – 60, et ces der­niers ont été depuis lar­ge­ment dédouanés. 

En effet, les nitro­sa­mines ne suf­fisent pas, à elles seules, à induire un can­cer chez le mam­mi­fère. Il convient pour cela que l’organisme se situe dans un contexte méta­bo­lique pro­pice, comme une inflam­ma­tion sys­té­mique chro­nique, une insu­li­no­ré­sis­tance, une immu­no­sup­pres­sion, et sur­tout, une flore diges­tive ini­tia­trice du pro­ces­sus (bac­té­ries et virus). 

Précisons davan­tage :

Les dialkyls-nitrosamides sont des com­po­sés stables qui ne peuvent réagir avec l’ADN et l’altérer direc­te­ment. Pour que cela arrive, il faut au préa­lable les réac­tions chi­miques et enzy­ma­tiques par­ti­cu­lières d’un méta­bo­lisme perturbé. 

Un can­cer colo­rec­tal ne sur­vient pas au sein d’un méta­bo­lisme nor­mal, sans patho­lo­gies préa­lables asso­ciées, et la viande rouge à elle seule ne crée pas de patho­lo­gies particulières. 

Voilà qui est dit !

Mais conti­nuons :

Selon l’étude, les nitrates et les nitrites de la viande seraient les res­pon­sables de la for­ma­tion des com­po­sés N‑nitrosés et de la nitro­sa­tion du fer sanguin. 

Apportons d’autres précisions : 

  • Le fer est indis­pen­sable à la vie, il trans­porte l’oxygène dans nos cel­lules afin d’y pro­duire de l’énergie. Trop peu de fer, c’est l’anémie. Pas de fer, c’est la mort. 
  • Le cer­veau est la pre­mière vic­time d’une carence en fer, et force est de consta­ter que le sta­tut en fer de la popu­la­tion mon­diale est très loin d’être satis­fai­sant. C’est la carence la plus répandue.
  • Les nitrates et les nitrites sont éga­le­ment indis­pen­sables à la vie végé­tale et ani­male. Ces molé­cules sont omni­pré­sentes dans l’environnement, elles font par­tie du cycle natu­rel de l’azote dans lequel les bac­té­ries jouent un rôle capital. 
  • 85% de notre apport en nitrates et nitrites pro­viennent des végé­taux. Le viande et les pro­duits ani­maux ne repré­sentent donc qu’une part minime de notre apport ! 

Les nitrates et les nitrites sont d’excellents agents anti-pathogènes.

Ces molé­cules indis­pen­sables à la vie sur Terre nous tue­raient ‚donc !

Lire à ce sujet : https://renaudroussel.com/blog/nitrates-nitrites-elements-toxiques/

Reprenons notre réflexion : 

La for­ma­tion de nitro­sa­mines s’effectue en milieu acide (esto­mac) par réac­tion chi­mique entre les nitrites (agents nitro­sants) et cer­taines amines (sub­strats nitrosables). 

Convenons que la viande rouge, riche en pro­téines, soit une source impor­tante d’amines dites secon­daires induites par les acides ami­nés. Il faut donc pour que des com­po­sés N‑nitrosés soit pro­duits à par­tir d’amines, une réac­tion chi­mique avec des nitrites (dont 85% sont d’origine végé­tale, rappelons-le ! ). 

Mais alors, conve­nons éga­le­ment qu’il existe dans l’environnement des mil­liers d’autres sub­stances nitro­sables et poten­tiel­le­ment nitro­sées, et qu’une étude épi­dé­mio­lo­gique uni­que­ment ciblée sur la viande est insuffisante. 

Le pro­blème réside donc en la pré­sence simul­ta­née de nitrites et d’amines dans l’estomac, qui abou­tit à la for­ma­tion de com­po­sés N‑nitrosés sus­cep­tibles de pro­vo­quer les muta­tions géné­tiques favo­ri­sant le can­cer colo­rec­tal au sein d’un orga­nisme per­tur­bé, inca­pable de répa­rer les alté­ra­tions cau­sées à l’ADN, ce qui arrive de toute façon avec de très nom­breux fac­teurs agres­sifs (envi­ron­ne­ment, pro­duits chi­miques, ali­men­ta­tion déna­tu­rée, mode de vie, etc.).

Un méta­bo­lisme déré­glé est source d’erreurs dans le fonc­tion­ne­ment des méca­nismes enzy­ma­tiques de répa­ra­tion des lésions cau­sées à l’ADN

L’inflammation chro­nique et l’insulinorésistance sont les deux prin­ci­paux res­pon­sables de ce dérèglement. 

Ne négli­geons pas le fait qu’un orga­nisme sain, se répare bien !

Ce que ne dit pas l’étude : 

L’aliment seul ne peut pas cau­ser de can­cer colo­rec­tal. Le pro­blème n’est donc pas la viande rouge en elle-même, mais une trop grande concen­tra­tion de nitrites asso­ciés, dans l’estomac, au sein d’un orga­nisme au méta­bo­lisme perturbé. 

C’est le contexte méta­bo­lique qui induit une pro­duc­tion impor­tante de com­po­sés N‑nitrosés res­pon­sables des per­tur­ba­tions géné­tiques (alky­la­tion de l’ADN), qu’un orga­nisme alté­ré ne par­vient pas à réparer. 

Et pour­quoi y‑aurait-il trop de nitrites dans l’estomac ? 

Non pas en rai­son des quelques nitrites pré­sents dans les viandes, non pas en rai­son de la grande quan­ti­té de nitrites appor­tée par une consom­ma­tion consé­quente de végé­taux, mais tout sim­ple­ment par un cycle incom­plet de l’azote cor­ré­lé à un défaut de la flore bac­té­rienne haute, buc­cale et gastrique. 

Je m’explique : 

Que se passe-t-il au sein d’un orga­nisme normal ?

Les glandes sali­vaires concentrent par vingt le taux de nitrates san­guins, c’est un rôle phy­sio­lo­gique impor­tant et mécon­nu de ces petites glandes trop sou­vent négli­gées. Puis, une fois dans la bouche, les nitrates sont conver­tis en nitrites pas la flore buc­cale aéro­bie. Et enfin, les nitrites sont conver­tis en oxyde nitrique dans l’estomac par la flore gastrique. 

Le cycle nor­mal est donc : nitrates – nitrites – oxyde nitrique (NO3NO2 – NO).

Que se passe‑t’il au sein d’un orga­nisme à la flore perturbée ? 

Le cycle s’interrompt après la conver­sion des nitrates en nitrites, il manque la conver­sion de nitrites en oxyde nitrique. 

De ce fait, les nitrites s’accumulent dans l’estomac et induisent une concen­tra­tion anor­male de com­po­sés N‑nitrosés en pré­sence d’amines. 

Le res­pon­sable n’est pas la viande rouge, mais la flore inadap­tée qui ne peut pour­suivre le cycle jusqu’au bout, c’est-à-dire à la conver­sion des nitrites en oxyde nitrique. 

Petit rap­pel au passage : 

L’oxyde nitrique est un puis­sant anti­vi­ral. Cette molé­cule est notre pre­mière bar­rière contre les virus, et donc le Sars-Cov‑2, quel que soit le variant, avant même que n’intervienne notre immu­ni­té innée. 

Avec un NO for­te­ment pré­sent dans la sphère ORL, le virus ne passe pas !

Lors de mes consul­ta­tions en nutri­tion, je mesure sys­té­ma­ti­que­ment plu­sieurs gaz diges­tifs impor­tants, et notam­ment le NO gas­trique. Malheureusement, rares sont les per­sonnes qui pré­sentent un taux de NO suf­fi­sant. Il est même sou­vent dra­ma­ti­que­ment bas, voire inexistant. 

Cette mesure est très inté­res­sante, car elle per­met après cette triste consta­ta­tion, de cor­ri­ger la flore haute en éli­mi­nant les mau­vaises bac­té­ries qui empêchent la pro­duc­tion de NO, et en réim­plan­tant les bonnes bac­té­ries, celles qui pro­dui­ront le pré­cieux NO !

Tout se cor­rige, mais encore faut-il avoir conscience du pro­blème en pre­nant des mesures adéquates. 

L’alimentation moderne, riche en sucres fer­men­tes­cibles (farines, fruc­tose, fibres des céréales et graines), per­turbe la flore diges­tive. La flore buc­cale voit sa popu­la­tion aéro­bie dimi­nuer au pro­fit d’une popu­la­tion anaé­ro­bie, agres­sive et des­truc­trice des tis­sus (mala­dies paro­don­tales, caries, sai­gne­ment des gen­cives, etc.).

Trop de nitrites dans l’estomac est la consé­quence d’un manque de flore aéro­bie res­pon­sable de la conver­sion des nitrites en oxyde nitrique. 

Dans l’étude concer­née, les scien­ti­fiques ont-ils véri­fié l’état méta­bo­lique des per­sonnes concer­nées ? Ont-ils mesu­ré la flore buc­cale, gas­trique et duo­dé­nale des malades ? Non !

Les grands consom­ma­teurs de viande rouge sont géné­ra­le­ment des « bons » man­geurs qui accom­pagnent presque tou­jours leurs repas de fécu­lents et de végé­taux riches en sucres, et par­fois d’alcool. 

Une flore buc­cale patho­gène (trop de bac­té­ries anaé­ro­bies), s’accompagne par­fois d’une bac­té­rie très pro­blé­ma­tique, fuso­bac­té­rium, qui lorsqu’elle se retrouve dans le colon, est res­pon­sable du can­cer du colon droit (publié en cancérologie). 

La flore buc­cale est pri­mor­diale à bien des égards ! 

Les études qui asso­cient la viande rouge au can­cer du colon droit ou au can­cer colo­rec­tal en parlent-elles ? Non !

Fusobactérium se trouve trans­por­té dans le colon par les sels biliaires secon­daires, trop pré­sents chez les consom­ma­teurs de sucres (farine, fruc­tose, fibres), dotés d’une flore buc­cale désastreuse. 

Et, jusqu’à preuve du contraire, les sucres sont issus des végé­taux, pas de la viande rouge ! 

La consom­ma­tion de viande rouge est loin d’être le seul para­mètre cor­ré­lé au can­cer colo­rec­tal. Les sucres, les sels biliaires secon­daires, la flore bac­té­rienne haute anaé­ro­bie trop pré­sente, fuso­bac­té­rium, por­phy­ro­mo­nas, pro­prio­ni­bac­te­rium, et autres de leurs petits copains, une flore haute aéro­bie insuf­fi­sante, des nitrites en trop grande quan­ti­té dans l’estomac, etc., sont des fac­teurs can­cé­ro­gènes bien plus puis­sants dont per­sonne ne parle. 

En réa­li­té, la viande rouge ne peut être une cau­sa­tion directe du can­cer colo­rec­tal contrai­re­ment à ce que nous signi­fie cette étude à la conclu­sion sim­pliste et erronée. 

L’aliment car­né n’est pas res­pon­sable, du can­cer. C’est le contexte méta­bo­lique dans lequel se trouve le consom­ma­teur qui déclenche l’apparition et la pro­gres­sion du cancer. 

Un détail qui a son importance : 

La vita­mine C et les poly­phé­nols limitent consi­dé­ra­ble­ment la for­ma­tion de com­po­sés N‑nitrosés dans l’estomac. 

Bon steak !