La balance calorique

Vous avez tous enten­du cette phrase : consom­mer plus de calo­ries que l’on en dépense fait grossir.
Pour sta­bi­li­ser son poids il serait donc impé­ra­tif de res­pec­ter l’équilibre par­fait entre les apports et les dépenses caloriques.

Cette idée est née du prin­cipe pre­mier de la thermodynamique(1): l’énergie ne se crée ni ne dis­pa­raît, elle se transforme.

Au début du XXème siècle, Carl Von Noorden, patho­lo­giste Allemand, spé­cia­liste du méta­bo­lisme et du dia­bète, applique ce prin­cipe de science phy­sique à la bio­lo­gie humaine, et affirme que l’homme prend du poids dès lors qu’il consomme plus de calo­ries qu’il n’en dépense. L’énergie non uti­li­sée étant trans­for­mée en graisse.

À par­tir de ce moment, tout est deve­nu simple dans le trai­te­ment du sur­poids : il suf­fit de man­ger moins et de se dépen­ser plus pour perdre du poids. Il convient de comp­ter les calo­ries et ne pas dépas­ser les pres­crip­tions thé­ra­peu­tiques. Et, toute per­sonne affir­mant le contraire sera consi­dé­rée comme héré­tique par la com­mu­nau­té médi­cale qui a fait de cette croyance le dogme fon­da­men­tal de la science nutritionnelle.

Alors pour­quoi, en plus d’un siècle, le phé­no­mène du sur­poids et de l’obésité ne fait-il qu’augmenter ? Pourquoi une solu­tion aus­si simple, adop­tée par toutes celles et tous ceux qui dési­rent perdre du poids, n’a‑t-elle pas éra­di­qué tota­le­ment l’obésité ? Les obèses vou­draient donc déli­bé­ré­ment être obèses, et ne seraient que des glou­tons paresseux !

Non, ce n’est pas si simple !

La phy­sio­lo­gie humaine est com­plexe, extrê­me­ment complexe.
Le pre­mier prin­cipe de la ther­mo­dy­na­mique, s’il est vrai dans l’absolu, devient incor­rect dès lors qu’on l’applique à l’organisme ani­mal (l’homme y compris).

Le corps humain n’est pas une méca­nique au fonc­tion­ne­ment mathé­ma­tique enfan­tin (addi­tion, sous­trac­tion). Le corps humain est une for­mi­dable machine de régu­la­tion et d‘adaptation, il est vivant !

Privez-le d’aliments, il per­dra du poids dans un pre­mier temps, puis, très vite, il devien­dra moins actif et ralen­ti­ra les dépenses d’énergie de ses cel­lules afin de limi­ter la perte de poids, mais il aug­men­te­ra vos sen­sa­tions de faim en contre­par­tie jusqu’à ce que vous man­giez plus à nou­veau et qu’il ne s‘empresse de recons­ti­tuer ses pré­cieux stocks. Cela a été maintes fois consta­té scien­ti­fi­que­ment chez l’animal comme chez l’homme (2).

En cas de res­tric­tion ali­men­taire, réduire l’activité phy­sique et ins­tal­ler des pul­sions ali­men­taires irré­pres­sibles, font par­tie de l’instinct de survie.

Le sys­tème de régu­la­tion du poids n’a que faire des prin­cipes de la ther­mo­dy­na­mique, l’organisme gère, baisse ou aug­mente son méta­bo­lisme en fonc­tion de l’état des réserves de graisses et du poids géné­ti­que­ment pro­gram­mé qu’il défend. La nature a don­né les moyens à l’organisme humain de contrô­ler son poids de façon incons­ciente et efficace.

Cependant, en rai­son de l’alimentation moderne, raf­fi­née, déna­tu­rée, il se peut que tout déraille, que des dys­fonc­tion­ne­ments sur­viennent en fonc­tion des sen­si­bi­li­tés géné­tiques de cha­cun et de la nature des ali­ments consom­més, et cela indé­pen­dam­ment du nombre de calo­ries ingérées.

Les ali­ments sucrés et riches en ami­don trop faci­le­ment assi­mi­lables, lorsqu’ils sont consom­més régu­liè­re­ment, finissent par détra­quer les sys­tèmes de régu­la­tions, et orien­ter les orga­nismes vers l’enfer des com­pul­sions ali­men­taires et des prises de poids incontrôlables.
La théo­rie du gros, pares­seux et glou­ton ne tient pas, car les per­sonnes en sur­poids sont trom­pées par une ali­men­ta­tion qui per­turbe la méca­nique humaine.

Mais lorsque l’on apprend à man­ger en connais­sance de cause, et que l’on acquiert les connais­sances suf­fi­santes pour choi­sir judi­cieu­se­ment ses ali­ments, il devient pos­sible de perdre du poids en consom­mant plus de calo­ries. À l’inverse, en rai­son d’aliments per­tur­ba­teurs et toxiques, il est pos­sible de prendre du poids en man­geant peu de calo­ries.

L’obsession calo­rique est res­pon­sable depuis des décen­nies d’une erreur de cible : on dis­cri­mine à tort les graisses natu­relles, et on plé­bis­cite les sucres (sur­tout les fécu­lents) qui per­turbent la régu­la­tion pondérale.

La balance calo­rique est un concept erro­né qui a une grande res­pon­sa­bi­li­té dans le fléau mon­dial du sur­poids et de l’obésité. Manger moins et bou­ger plus ne fonc­tionne pas à long terme. Ce concept a détour­né l’attention des méde­cins de la nature des ali­ments, et de leur inci­dence sur le méta­bo­lisme, pour la fixer sur le nombre de calo­ries consommées.

Il est temps de rai­son­ner autre­ment, de réha­bi­li­ter les bonnes graisses, de contrô­ler les sucres et de pen­ser plai­sir plu­tôt que calories !

1 – Branche de la phy­sique et de la chi­mie liée à l’é­tude du com­por­te­ment ther­mique des corps, à l’é­tude de l’éner­gie et de ses transformations.

2- Flier J.S et E. Maritos-Flier. :What fuels fat. Scientific American,Sep ; 297(3) :72 – 81,2007.

11 avril 2013 |