L’Homme, ce chasseur de graisse animale.

Source : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0028689

Article : Man the Fat Hunter: The Demise of Homo erectus and the Emergence of a New Hominin Lineage in the Middle Pleistocene (ca. 400 kyr) Levant.

Date de parution : 25.04.2018

Niveau de difficulté : Facile

Partout où l’être humain est appa­ru, de très nom­breuses espèces de grands mam­mi­fères ont dis­pa­ru, d’autres ont dû s’adapter en rédui­sant leur taille de façon à être plus dis­crets, plus mobiles.

Terminées les espèces géantes d’ours, de pares­seux, d’antilopes, et de lamas d’Amérique de Nord, sans par­ler des mam­mouths ; dis­pa­rus les dipro­to­dons et pro­cop­to­dons d’Australie, tous pas­sés à la cas­se­role, ou plus exac­te­ment au feu culi­naire de l’Homme avide de leur graisse nour­ris­sante et savou­reuse, une manne éner­gé­tique prodigieuse.

Il y a 400 000 ans, les pays du Levant étaient encore riche­ment peu­plés d’éléphants de très grande taille jusqu’à ce que l’Homme deve­nant de plus en plus intel­li­gent, équi­pé d’armes de chasse et capable d’un niveau de coopé­ra­tion encore jamais atteint chez aucun autre ani­mal, ne l’éradique tota­le­ment à cause de son appé­tence pour sa graisse, mais aus­si d’un temps de ges­ta­tion long et d’un trop lent renou­vè­le­ment de la popu­la­tion du mastodonte.

D’Homo erec­tus à Homo sapiens, la géné­tique des mul­tiples lignées humaines s’est construite à par­tir de la graisse ani­male qui four­nis­sait entre 50 et 70 % de leur apport éner­gé­tique, une graisse qui a for­te­ment concou­ru au déve­lop­pe­ment de leur cer­veau volu­mi­neux, puis­sant et for­te­ment dis­pen­dieux sur le plan calorique.

En consom­mant de la viande grasse, cer­velle et moelle par­ti­cu­liè­re­ment, puis en cui­si­nant la chair grâce à la maî­trise du feu, l’homme a évo­lué et s’est éloi­gné davan­tage des autres pri­mates dans son fonc­tion­ne­ment géné­tique. La lignée pré-humaine s’est scin­dée de celle des gorilles il y a 9 mil­lions d’années ; cha­cun fai­sant route de son côté, ce sont donc 18 mil­lions d’années d’évolution qui nous séparent, hommes et gorilles. Le gorille au régime stric­te­ment végé­ta­rien et cru­di­vore conver­tit 60 % de son apport éner­gé­tique quo­ti­dien en graisse par fer­men­ta­tion des fibres végé­tales dans le colon. L’Homme, lui, en évo­luant vers une ali­men­ta­tion car­née et cuite, bien avant l’apparition d’Homo sapiens – ce qui signi­fie qu’Homo sapiens consomme sa viande cuite depuis le début de son exis­tence, pro­fi­tant de l’évolution et du savoir de ses pré­dé­ces­seurs – doit consom­mer la graisse ani­male direc­te­ment, son sys­tème diges­tif ayant évo­lué et s’étant rac­cour­ci ne lui per­met­tant plus de consom­mer de grandes masses végé­tales ni de digé­rer les fibres dures et abra­sives. Bien que pou­vant tout de même pro­duire de la graisse par fer­men­ta­tion intes­ti­nale des sucres, cette graisse spé­ci­fique doit res­ter res­treinte et occa­sion­nelle, car en excès régu­liers, elle devient inflam­ma­toire des cel­lules hépa­tiques, ren­dant le foie humain gras et malade. La graisse ani­male est donc deve­nue dès les pré­mices de l’humanité l’aliment de haute den­si­té nutri­tion­nelle abso­lu­ment indis­pen­sable à la sur­vie de l’animal-humain.

Homo sapiens a tou­jours été un grand chas­seur de graisse ani­male. Homo erec­tus, son pré­dé­ces­seur, ayant, en presque deux mil­lions d’années de pré­sence, consom­mé à outrance les grands mam­mi­fères, Homo sapiens a fini le tra­vail d’extermination et a dû s’adapter, par obli­ga­tion, à des chasses plus sub­tiles, plus intel­li­gentes, plus stra­té­giques, en se tour­nant vers des mam­mi­fères de plus petites tailles, plus rapides, plus véloces et moins visibles. Il lui a fal­lu chas­ser un plus grand nombre d’animaux plus petits pour réunir le même volume de graisse ali­men­taire. Cette tran­si­tion entre Homo erec­tus et Homo sapiens a contri­bué à rendre l’Homme, avide de graisse par nature, tou­jours plus intel­li­gent, tou­jours plus malin… jusqu’à la domes­ti­ca­tion, mais aus­si un homme plus adap­té phy­si­que­ment à des chasses plus « fines » sur les plans tac­tique et tech­nique, un homme néces­sai­re­ment plus fin, plus léger, plus coor­don­né, plus affû­té, un homme plus intel­li­gent au point de com­prendre qu’avoir de la graisse ani­male à por­tée de main, « à la mai­son », issue d’animaux domes­ti­qués, sélec­tion­nés et croi­sés pour un carac­tère tou­jours plus docile, était la meilleure solu­tion pour lui. La quête de graisse ani­male a tou­jours été une des pré­oc­cu­pa­tions majeures de l’Homme et a for­te­ment par­ti­ci­pé aux modi­fi­ca­tions de la faune envi­ron­ne­men­tale ain­si qu’à l’é­vo­lu­tion cultu­relle et com­por­te­men­tale des peu­plades humaines.

Aujourd’hui, l’Homme ne chasse plus la graisse ani­male pour se nour­rir ; au contraire, depuis un peu plus de six décen­nies, c’est-à-dire qua­si­ment rien à l’échelle de son his­toire (0,002 %), il chasse la graisse ani­male de son régime ali­men­taire, la conspue, l’accuse à tort. Cette incroyable erreur de juge­ment compte tenu de son niveau d’intelligence l’a for­cé à repor­ter ses choix ali­men­taires vers les sucres en tous genres, des céréales sous toutes les formes pos­sibles au sucre de table en pas­sant par les fruits, les smoo­thies, et les huiles végé­tales poly­in­sa­tu­rées. Le résul­tat est conster­nant, les mala­dies liées au syn­drome méta­bo­lique ont explo­sé : obé­si­té, dia­bète, hyper­ten­sion, et mala­dies cardio-vasculaires en tête de liste, ain­si que nombre de mala­dies auto-immunes. L’espérance de vie de l’Homme aug­mente, certes, grâce à une méde­cine per­for­mante, mais l’espérance de vie en bonne san­té ne fait que dimi­nuer. Homo sapiens vit plus long­temps, mais malade de dégénérescence.

L’intelligence de l’Homme s’est déve­lop­pée au point d’effacer son ins­tinct ani­mal et de faire appa­raître une idéo­lo­gie, un puri­ta­nisme, une peur irra­tion­nelle de la graisse ani­male. Ce que l’Homme pense aujourd’­hui être un poi­son est pour­tant le remède aux maux nutri­tion­nels qu’il a lui-même développés.

L’Homme intel­li­gent pos­sède un niveau d’empathie éle­vé, une sen­si­bi­li­té déve­lop­pée, et un sen­sua­lisme que la nature n’a pas. Mais le sen­sua­liste est incom­pé­tent pour sta­tuer sur les rai­sons de la nature. La nature ne cherche à com­plaire à aucune phi­lo­so­phie, idéo­lo­gie ou croyance. L’Homme n’a pas à craindre ce que son fonc­tion­ne­ment géné­tique réclame de façon impé­rieuse, la graisse ani­male. L’Homme n’a pas à avoir honte d’être ce que la nature a fait de lui : un omni­vore en quête de gras. L’Homme n’est pas un meur­trier parce qu’il consomme de la graisse ani­male, il doit juste agir avec huma­ni­té, empa­thie et intel­li­gence de façon à conser­ver sa dignité.