Les sels biliaires

Les sels biliaires sont peu connus, ils sont pour­tant des élé­ments impor­tants de la diges­tion. Une par­tie d’entre eux évo­lue, change de nature le long d’un par­cours en boucle (cycle entéro-hépatique) effec­tué envi­ron 4 fois par jour. 

Ce chan­ge­ment de nature les fait pas­ser du sta­tut de sels biliaires « pri­maires », à celui de « secon­daires », puis de « ter­tiaires ». 

Synthétisés par le foie à par­tir du cho­les­té­rol et sto­ckés dans la vési­cule biliaire, la bile est à l’o­ri­gine com­po­sée de sels biliaires « pri­maires ». Lorsque celle-ci est déver­sée dans l’intestin, une par­tie des sels biliaires pri­maires est modi­fiée par l’action des bac­té­ries com­men­sales et trans­for­mée en sels biliaires secon­daires. Enfin, une par­tie très res­treinte sera trans­for­mée en sels biliaires ter­tiaires. La qua­si tota­li­té des sels biliaires retourne vers le foie (à l’ex­cep­tion d’une des deux varié­tés de sels biliaires ter­tiaires exis­tantes qui est excré­tée par les selles), où les sels biliaires secon­daires seront recon­ver­tis en leur forme pri­maire. 

La nature n’aime pas le gâchis, elle fonc­tionne à l’économie, en cycle, elle récu­père des élé­ments usés pour en faire de nou­veaux. Le pro­blème sur­vient lorsqu’un grain de sable vient enrayer cette for­mi­dable méca­nique. Ici, le grain de sable, voire le caillou, se trouve être notre ali­men­ta­tion actuelle, déplo­rable et contre-nature. 

Vous savez qu’il existe une vési­cule biliaire située proche du foie, qu’elle contient de la bile utile à la diges­tion, mais vous savez éga­le­ment que l’on peut vivre sans vési­cule, alors les sels biliaires… pour­quoi s’en pré­oc­cu­per, après tout, cela ne doit pas être tel­le­ment impor­tant. 

Pourquoi ce peu d’intérêt pour ces élé­ments assu­rant une bonne diges­tion ? 

Par mécon­nais­sance ou més­es­ti­ma­tion, les sels biliaires inté­ressent peu de monde, même les méde­cins et les nutri­tion­nistes ne s’en pré­oc­cupent pas vrai­ment, en tout cas, pas suf­fi­sam­ment. 

Voici ce qui est mécon­nu ou més­es­ti­mé : si les sels biliaires pri­maires et ter­tiaires sont béné­fiques, les sels biliaires secon­daires, sou­vent for­més en trop grande quan­ti­té dans l’intestin grêle en rai­son d’une flore inadé­quate, ini­tiée par l’alimentation moderne, sont la source de pro­blèmes graves de san­té, à com­men­cer par la lithiase, la for­ma­tion de cal­culs, puis par l’augmentation très impor­tante du risque de dif­fé­rents can­cers, notam­ment celui du colon droit.

Vous enten­drez votre méde­cin et vos proches, dire lorsque vous man­gez trop « riche » : « Attention au cho­les­té­rol ! », jamais : « Attention aux sels biliaires secon­daires ! ». 

Ils sont pour­tant une prio­ri­té pour la sau­ve­garde des voies biliaires, de la vési­cule, du foie, du pan­créas, du colon, et de la san­té en géné­ral. 

Lors de mes consul­ta­tions en nutri­tion, avec ana­lyse des gaz res­pi­ra­toires, bien sou­vent, la cor­rec­tion ali­men­taire vise­ra, en pre­mier lieu, à réduire la pro­duc­tion de sels biliaires secon­daires, puis à pro­té­ger les sels pri­maires, et par­fois, avec l’accord du méde­cin trai­tant, à appor­ter un sel ter­tiaire où d’en sti­mu­ler la pro­duc­tion natu­relle. 

Il convient donc de dif­fé­ren­cier les sels biliaires, de ne sur­tout par les consi­dé­rer dans leur ensemble, mais de les dis­tin­guer, ce que nous avons com­men­cé à faire ici, afin de ne pas dépas­ser le seuil cri­tique de sels biliaires secon­daires pré­vu par la nature, car au-delà, ils deviennent très vite for­te­ment déter­gents, abra­sifs, cor­ro­sifs, et source de bien des calvaires !

Les sels biliaires pri­maires sont donc pro­duits par le foie et sto­ckés dans la vési­cule biliaire qui se contracte lorsque la diges­tion le réclame afin de déver­ser la bile dans le duo­dé­num (début de l’intestin grêle à la sor­tie de l’estomac), et de par­faire la diges­tion et l’assimilation des graisses (émul­sion des dif­fé­rentes graisses et des vita­mines lipo­so­lubles, puis for­ma­tion de micelles pour faci­li­té l’absorption), lors d’une action conjointe avec les enzymes pancréatiques.

Les sels biliaires pri­maires sont des acides biliaires « conju­gués » avec les acides ami­nés gly­co­colle et tau­rine. Il est à noter, ici, l’importance d’un apport ali­men­taire car­né suf­fi­sant afin de se pour­voir en ces acides ami­nés et évi­ter les carences dues à un défaut très pos­sible de pro­duc­tion endo­gène.  

Une fois dans le jéju­num (suite du duo­dé­num), au contact des bac­té­ries intes­ti­nales, nombre des sels biliaires pri­maires seront « décon­ju­gués » et chan­ge­ront ain­si de nature pour deve­nir des sels biliaires secon­daires. Ce phé­no­mène est pré­vu par la nature, mais une nature qui pré­voit une faible inci­dence des bac­té­ries, et donc une décon­ju­gai­son res­treinte, en rai­son de leur pré­sence sup­po­sée limi­tée en ce lieu. 

Les sels biliaires pri­maires seront d’avantage décon­ju­gués dans l’iléon (suite du jéju­num), où les bac­té­ries sont plus nom­breuses, mais tou­jours dans une pro­por­tion « naturelle ».

C’est à ce niveau, dans l’iléon, que les sels biliaires seront réab­sor­bés à hau­teur de 90 à 95%, et ren­voyés vers le foie via la veine porte, pour que ceux qui doivent l’être soient recy­clés, recon­ju­gués, pour for­mer à nou­veau des sels biliaires pri­maires qui seront sto­ckés dans la vési­cule en pré­vi­sion d’une pro­chaine demande. 

Une par­tie du faible pour­cen­tage de sels biliaires secon­daires non absor­bés acti­ve­ment par l’iléon sera absor­bée pas­si­ve­ment, plus loin, par le colon, le reste sera excré­té par les selles. 

Nous voyons, et c’est très impor­tant de le noter, qu’une quan­ti­té très modé­rée de sels biliaires secon­daires, cor­ro­sifs, arrive en contact avec la muqueuse du colon droit. 

La nature est sage… mal­heu­reu­se­ment l’homme l’est moins !

Alors quel est le pro­blème avec les sels biliaires secon­daires ? 

Leur trop grande quan­ti­té chez la plus grande par­tie de la population !

La dys­biose intes­ti­nale touche plus de 80% des plus de 45 ans, elle se tra­duit par une trop grande quan­ti­té de bac­té­ries dans les intes­tins, sur­tout dans l’intestin grêle. 

Le SIBO (pul­lu­la­tion bac­té­rienne de l’intestin grêle) touche bien plus de per­sonnes que l’on ne pense. Les salles d’attente des gastro-entérologues ne désem­plissent pas, les gens souffrent, bal­lonnent, se plaignent de gaz exces­sifs, perdent le contrôle de leur poids, ont des reflux à mul­tiples endroits. L’inflammation du tube diges­tif est mon­naie cou­rante de nos jours.

Lors d’une pul­lu­la­tion bac­té­rienne, le tran­sit ralen­tit, le flux diges­tif dimi­nue, et lorsque le flux est moindre, le risque de reflux est grand. 

Transit ralen­ti, reflux, cela signi­fie que des stases s’installent au niveau de l’estomac, du duo­dé­num, du jéju­num, de l’iléon ou du colon. 

La stase est dan­ge­reuse. Laissez de l’eau stag­ner dans un endroit, les bac­té­ries s’y déve­lop­pe­ront. Préféreriez-vous boire l’eau trouble d’une flaque stag­nante ou celle lim­pide d’un ruis­seau au débit rapide, une eau crou­pie ou une eau vive ?

Le choix est vite fait !

Quelle est la cause de la dys­biose intes­ti­nale qui induit un ralen­tis­se­ment de la vidange gas­trique, du tran­sit en géné­ral et une pul­lu­la­tion bac­té­rienne ? 

La fer­men­ta­tion exces­sive ! Les bac­té­ries digèrent les sucres que nous absor­bons par un pro­cé­dé de fer­men­ta­tion, d’élaboration de gaz et de pro­duc­tion de déchets. Ces déchets sont des graisses com­po­sées de deux, trois et quatre car­bones. Dans un fonc­tion­ne­ment nor­mal, ces graisses pro­duites à par­tir des sucres nous sont très utiles. Mais en rai­son de quan­ti­tés immo­dé­rées de sucres ingé­rés, la pro­duc­tion de ces graisses devient déme­su­rée, pen­dant que d’autres sont éga­le­ment pro­duites, com­po­sées de 5, 6 car­bones, etc., jusqu’à 20 car­bones et bien plus encore en cas de dys­biose sévère. Ces déchets sont alors des céra­mides par­ti­cu­lières, des graisses extrê­me­ment inflam­ma­toires dont il est dif­fi­cile de se débar­ras­ser. Les bac­té­ries de notre orga­nisme vont alors les décou­per et créer des dépôts (mala­dies de sur­charge), par­tout dans nos organes et induire avec le temps des patho­lo­gies graves (can­cers et mala­dies auto-immunes évo­lu­tives dont je vous ai sou­vent par­lé). 

Les sucres sont tous fer­men­tes­cibles, farines, céréales, légu­mi­neuses, fruits, légumes, miel, etc., tous fermentent.

La consom­ma­tion quo­ti­dienne et abu­sive de sucres, à chaque repas, à chaque en-cas, nour­rit les bac­té­ries, les gave et les porte à se mul­ti­plier de façon irrai­son­nable, jusqu’à la pul­lu­la­tion, jusqu’au SIBO. 

La quan­ti­té outran­cière de bac­té­ries pré­sentes dans l’intestin grêle, dès le jéju­num, pro­voque une décon­ju­gai­son mas­sive des sels biliaires pri­maires, et donc une for­ma­tion consi­dé­rable de sels biliaires secon­daires. Cette décon­ju­gai­son anor­ma­le­ment éle­vée s’amplifiera davan­tage dans l’iléon qui ne pour­ra pas réab­sor­ber suf­fi­sam­ment ces sels biliaires secon­daires. Il en résul­te­ra une arri­vée en masse de sels biliaires secon­daires dans le colon droit qui sera alors abra­sé par ces sels agres­sifs et déter­gents. 

Mais, ce n’est pas tout, de nom­breuses bac­té­ries anaé­ro­bies de la bouche, mal­heu­reu­se­ment trop pré­sentes pour une grande par­tie de la popu­la­tion, spé­cia­li­sées dans le décou­page des tis­sus, comme pro­pio­ni­bac­te­rium, por­phy­ro­mo­nas, fuso­bac­te­rium, pre­vo­tel­la, et d’autres de leurs petits copains, qui causent gin­gi­vites et mala­dies paro­don­tales (avoir les gen­cives qui saignent au bros­sage n’est jamais bon signe), se retrouvent dans l’intestin grêle par le biais de la salive et par­ti­cipent allè­gre­ment à la décon­ju­gai­son des sels biliaires. Ces bac­té­ries décou­peuses de chair, seront trans­por­tées par les sels biliaires secon­daires jusque dans le colon abra­sé, ce qui aug­mente dra­ma­ti­que­ment le risque de can­cer. Fusobacterium est lar­ge­ment asso­cié au can­cer du colon droit.

Ces bac­té­ries sont par­fai­te­ment visibles dans la bouche à la lampe de Wood avec de jolies cou­leurs fuch­sia et orange. 

Les bac­té­ries anaé­ro­bies de la bouche ne doivent jamais arri­ver dans le colon !

La flore haute ne doit pas atteindre la flore basse. Les sels biliaires secon­daires sont les trans­por­teurs ines­pé­rés des bac­té­ries patho­gènes, il est donc impé­ra­tif, d’une part, de réduire le nombre de ces bac­té­ries nocives, et d’autre part, de limi­ter au maxi­mum leur moyen de loco­mo­tion jusqu’au colon. 

Mais, ce n’est « re-pas tout », d’autres évé­ne­ments inter­dits par la nature arrivent. Nous avons abor­dé le sujet des reflux divers en rai­son d’une dys­biose, d’un flux diges­tif trop lent, d’une vidange gas­trique pares­seuse, d’une stase des liquides diges­tifs ; deux de ces reflux sont catas­tro­phiques et mal­heu­reu­se­ment trop cou­rants : le reflux duodéno-biliaire et le reflux duodéno-pancréatique, deux sens inter­dits pour­tant lar­ge­ment emprun­tés. 

Le pre­mier, le reflux du duo­dé­num vers la vési­cule biliaire, fait péné­trer les mau­vaises bac­té­ries de la bouche dans la vési­cule, et induit par abra­sion et inflam­ma­tion le pro­ces­sus de lithiase, la for­ma­tion de cal­culs. Puis, les bac­té­ries inflam­ma­toires et des­truc­trices pénètrent le foie, d’où elles pour­ront faci­le­ment enva­hir l’organisme entier et bou­lo­ter à leur guise les autres organes et arti­cu­la­tions. 

De plus, les bac­té­ries anaé­ro­bies de la bouche pré­sentes dans le foie vont induire de sur­croît la décon­ju­gai­son in situ des sels biliaires pri­maires ! Là, c’est une véri­table catas­trophe, car cela signi­fie que peu d’acides biliaires pri­maires béné­fiques arri­ve­ront dans le duo­dé­num au moment de la diges­tion, ils auront été décon­ju­gués d’of­fice, fait tota­le­ment anor­mal. Le ter­rain devient alors irrai­son­na­ble­ment inflammatoire.

Le second, le reflux du duo­dé­num vers le pan­créas, mène­ra éga­le­ment les mau­vaises bac­té­ries dans cet organe capi­tal, jusqu’à pou­voir lui cau­ser des dom­mages irré­ver­sibles. 

Les reflux du duo­dé­num vers la vési­cule, le foie et le pan­créas sont interdit !

Remarque :

Il est sou­vent conseillé aux per­sonnes souf­frant d’une dys­biose, de prendre des pro­bio­tiques afin de régu­ler la flore. Quelle belle pro­messe, si facile à faire ; tout le monde y croit. Mais la réa­li­té est tout autre, la science nous démontre que les pro­bio­tiques (lac­to­ba­cil­lus et bifi­do­bac­te­ria), en plus de faire prendre du poids et d’amplifier la dys­biose qu’ils sont cen­sés réduire, et d’élever le risque tumo­ral à long terme, aug­mentent consi­dé­ra­ble­ment la décon­ju­gai­son des sels biliaires pri­maires dès le jéjunum !

Donner des pro­bio­tiques sans éva­luer avec pré­ci­sion la flore de l’intestin grêle (test res­pi­ra­toire) est tota­le­ment irresponsable !

Plus pré­ci­sé­ment : 

  • Sachez que les sels biliaires secon­daires aug­mentent le risque de méta­stases hépa­tiques en cau­sant la dimi­nu­tion du iNOS (indu­cible nitric oxyde syn­thase), une enzyme cor­ré­lée à la mort des cel­lules can­cé­reuses. Ils sont éga­le­ment cor­ré­lés aux can­cers du sein, de la pros­tate, du pan­créas, ain­si qu’à Parkinson. 
  • La cho­lé­cys­tec­to­mie (abla­tion de la vési­cule biliaire), quant à elle, aug­mente le risque de can­cer du colon. Attention à fuso­bac­te­rium dans la bouche. 
  • A l’opposé, le sel biliaire ter­tiaire « urso­dé­soxy­cho­lique » aug­mente le iNOS et le TGR5 (un récep­teur cel­lu­laire aux acides biliaires) et est asso­cié à une meilleure sur­vie dans le trai­te­ment du can­cer du sein. 
  • Les sels biliaires secon­daires sur­ac­tivent les récep­teurs FXR (Farsenoïd X recep­tor), jusqu’à leur désen­si­bi­li­sa­tion, ce qui est cor­ré­lé au déve­lop­pe­ment d’un ter­rain pro-tumoral et de mor­ta­li­té pré­coce. 
  • Les sels biliaires secon­daires inhibent l’auto­pha­gie et réduisent l’absorption de la vita­mine D. 

En pra­tique :

Vous l’avez com­pris, les sels biliaires secon­daires sont cor­ré­lés au sur­poids, à l’obésité, au syn­drome méta­bo­lique, et à la dys­biose induite par la consom­ma­tion de sucres. 

Plus l’on consomme de sucres, plus se déve­loppe le nombre de bac­té­ries com­men­sales, plus il y a de décon­ju­gai­son des sels biliaires pri­maires et donc plus il y a pro­duc­tion de sels biliaires secon­daires. Chose qu’il faut abso­lu­ment évi­ter. 

Pour réduire la for­ma­tion de sels biliaires secon­daires, il est donc impé­ra­tif de réduire la consom­ma­tion de sucres en tout genre. 

Farines, céréales, légu­mi­neuses et fruc­tose sont les prin­ci­pales sources de sucres à réduire dras­ti­que­ment. 

Les légumes faibles en sucres, blan­chis, sont à pri­vi­lé­gier. 

La tomate cuite a un effet très posi­tif sur les FXR et induit une sti­mu­la­tion saine des sels biliaires. 

La ber­bé­rine pro­duit éga­le­ment une bonne sti­mu­la­tion des récep­teurs et per­met une meilleure éli­mi­na­tion des sels biliaires secon­daires. 

Conclusion :

Surtout, ne vous faites pas trop de bile… ou plu­tôt, ne vous faites pas trop de sels biliaires secondaires ! ».

Je vous sou­haite de joyeuses fêtes de fin d’année. 

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24598592/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26181352/

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/ijc.25354

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6769524/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31605240/

18 décembre 2020 | Mes décryptages