Qui dort dîne !

Source : www.lepoint.fr

Article : Idée reçue sur la santé : "Qui dort dîne", vraiment ?

Date de parution : 22.03.2013

Niveau de difficulté : Moyen

Mes petites leçons, pour mieux com­prendre le décryp­tage : Insuline ; sucres rapides / sucres lents

Qui dort dîne, vraiment ?

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/anne-jeanblanc/idee-recue-sur-la-sante-n-11-qui-dort-dine-vraiment-17 – 02-2013 – 1628274_57.php

Tel est le sujet de cet article du maga­zine Le Point, por­tant sur l’intérêt de prê­ter un peu d’attention au der­nier repas de la jour­née afin de béné­fi­cier d’un som­meil répa­ra­teur. Cet article sans grande pré­ten­tion me per­met cepen­dant de vous appor­ter quelques notions d’ordre phy­sio­lo­gique pour béné­fi­cier d’un som­meil véri­ta­ble­ment réparateur.

wake up

L’article com­mence plu­tôt bien en dévoi­lant l’origine de cette maxime, qui n’a rien à voir avec l’hypothèse pou­vant faire croire que dor­mir com­pen­se­rait un repas, mais qui se rap­porte, en fait, à des temps anciens où les auber­gistes affi­chaient à l’entrée de leur éta­blis­se­ment cet aver­tis­se­ment : « Qui dort dîne », afin de signa­ler aux voya­geurs qui sou­hai­taient une chambre pour la nuit que le repas préa­lable était obli­ga­toire. Les affaires sont les affaires !

Puis, suit ce conseil de bon sens : évi­ter de prendre des bois­sons exci­tantes dès la fin de l’après-midi comme le thé ou le café, et pour les plus sen­sibles le cho­co­lat, qui contiennent caféine, théine et théo­bro­mine. Ensuite, prendre de pré­fé­rence un repas léger, puis une camo­mille, et ne pas se cou­cher à peine s’être sus­ten­té, mais lais­ser un laps de temps d’au moins 60 à 90 minutes entre la fin du dîner et le cou­cher pour ne pas avoir le ventre « lourd », me semblent être éga­le­ment de bons conseils, mais qui ne méritent pas for­cé­ment un article dans un grand magazine.

C’est le der­nier para­graphe abor­dant les ultimes conseils qui me gêne un peu, voire… beaucoup !

« Ceux qui ont peur de comp­ter les mou­tons auraient inté­rêt à pri­vi­lé­gier les ali­ments riches en ami­don et les pro­duits sucrés car, même si cela n’est pas scien­ti­fi­que­ment éta­bli, ils pour­raient avoir un effet béné­fique (peut-être lié à une aug­men­ta­tion du taux de glu­cose dans le sang)».

Nous y sommes : voi­là un bien mau­vais conseil pour celles et ceux qui sou­haitent béné­fi­cier d’une nuit régé­né­ra­trice, moment pri­vi­lé­gié du sys­tème régu­la­teur des graisses cor­po­relles, et donc du poids. Je m’explique : l’augmentation du taux de glu­cose[1] dans le sang a pour effet de pro­vo­quer une sécré­tion d’insuline adé­quate afin de régu­ler la glycémie.

Privilégier l’amidon et les pro­duits sucrés dans l’espoir d’un (très hypo­thé­tique !) meilleur endor­mis­se­ment, aura donc pour effet d’élever le taux d’insuline dans le sang, ce qui n’est pas sans réper­cus­sion sur la régénération.

Types of diabetes

Voici ce qu’il vous faut savoir :

  • L’insu­line est une hor­mone très puis­sante qui a pour effet de vous bran­cher en mode « sto­ckage » en inti­mant l’ordre aux cel­lules adi­peuses (cel­lules grais­seuses) de pro­duire de la graisse à par­tir du glu­cose san­guin, et d’interdire le désto­ckage des graisses de réserve, et cela, tant que sa pré­sence est signi­fi­ca­tive. Dans le cas d’un dîner riche en ami­don et en pro­duits sucrés, le mode « sto­ckage » risque de durer plu­sieurs heures, impu­tant ain­si le pré­cieux temps noc­turne alloué au « désto­ckage » et à une bonne récupération.
  • L’insuline a une struc­ture molé­cu­laire très proche de celle des « mes­sa­gers » d’une autre hor­mone sécré­tée uni­que­ment après l’endormissement, qui favo­rise le désto­ckage des graisses de réserve afin d’être brû­lées et de four­nir l’énergie néces­saire à l’organisme durant toute la nuit, sans avoir à nous ali­men­ter à nouveau.

Cette hor­mone (l’hormone de crois­sance) est l’hormone du « désto­ckage » des graisses de réserve, mais aus­si de la régé­né­ra­tion cel­lu­laire. Elle favo­rise la répa­ra­tion des tis­sus mus­cu­laires, ten­di­neux et arti­cu­laires, de la peau, des che­veux, des ongles, des os, des organes… en sti­mu­lant au pas­sage la fonc­tion rénale. Pour faire court, cette hor­mone est l’hormone de la jeu­nesse. Le pro­blème est qu’elle dimi­nue avec l’âge, il faut donc la bichon­ner et ne pas entra­ver sa sécré­tion spé­ci­fi­que­ment nocturne.

L’insuline et les « mes­sa­gers » de l’hormone de crois­sance sont mal­gré leurs fonc­tions anta­go­nistes for­te­ment sem­blables, et uti­lisent pour leur action les mêmes récep­teurs cellulaires.

Si le taux d’insuline dans le sang est éle­vé au moment du cou­cher, en rai­son d’une ali­men­ta­tion riche en sucres rapides (atten­tion à l’amidon !), les « mes­sa­gers » de l’hormone de crois­sance n’auront, le moment venu, plus ou peu de moyens d’actions, les récep­teurs cel­lu­laires étant déjà « squat­tés » par l’insuline !

Plus l’insuline est pré­sente au moment de l’endormissement, moins l’hormone de crois­sance peut s’exprimer durant le som­meil, et moins la régé­né­ra­tion de l’organisme est efficace.

fried feast 1

Je pense que vous avez com­pris l’intérêt de ne pas consom­mer de grande quan­ti­té de purée, frites, ou pâtes trop cuites avant d’aller se cou­cher, si vous sou­hai­tez une nuit réel­le­ment régé­né­ra­trice. Evitez éga­le­ment les des­serts sucrés et fari­neux comme les gâteaux ou les biscuits.

Mais cela ne veut pas dire qu’il faille dîner sans plai­sir ou se cou­cher le ventre vide. Je suis très atta­ché à la notion de plai­sir gus­ta­tif, c’est pour cela que les bonnes pro­téines et les bonnes graisses ali­men­taires doivent impé­ra­ti­ve­ment être pré­sentes dans l’élaboration du dîner (huile d’olive, avo­cat, pois­sons gras, viandes, œufs, fro­mage, beurre, crème, huile de coco vierge, oléa­gi­neux). Ces graisses et ces pro­téines pren­dront une part impor­tante dans la régé­né­ra­tion des tis­sus et des organes, y com­pris celle du cer­veau et du sys­tème ner­veux. Ils pren­dront éga­le­ment une part active dans la détoxi­ca­tion de l’organisme, notam­ment intracellulaire !

Quant aux sucres, pré­fé­rez une quan­ti­té modeste de len­tilles, hari­cots ou pâtes al dente, et accompagnez-les de légumes à faible teneur en ami­don comme les épi­nards, les patates douces, les poi­reaux, les cour­gettes, les poi­vrons, les salades, etc.

Un dîner doit être à la fois plai­sant côté goût, et satis­fai­sant côté réplé­tion, sans pour cela conte­nir trop de sucres. Il est éga­le­ment pré­fé­rable de l’éloigner (si pos­sible) du moment du coucher.

Pour le des­sert ? Un peu de cho­co­lat noir à 70% de cacao (s’il ne vous empêche pas de vous endor­mir), et/ou un fruit (pour celles et ceux qui ont un fort pou­voir digestif).

Pour ter­mi­ner, je suis tout à fait d’accord avec le der­nier conseil de l’article : boire une bois­son chaude, durant le dîner ou à la fin du dîner. Cela per­met une diges­tion plus rapide, ame­nant le bol ali­men­taire à une tem­pé­ra­ture favo­rable au tra­vail de l’estomac. Une glace en des­sert n’est pas ce qu’il y a de mieux pour une diges­tion rapide, car l’estomac devra attendre le réchauf­fe­ment de l’ensemble des ali­ments avant de com­men­cer plei­ne­ment son travail.

Et si vous avez envie de frites, de bis­cuits et de glace ? Dans le cadre d’une nuit répa­ra­trice, je vous conseille de gar­der ces ali­ments pour d’autres moments de la journée.


[1] Le glu­cose est le sucre uti­li­sé par l’organisme après diges­tion des ami­dons et autres sucres de l ‘ali­men­ta­tion.