Qui dort dîne !
Source : www.lepoint.fr
Article : Idée reçue sur la santé : "Qui dort dîne", vraiment ?
Date de parution : 22.03.2013
Niveau de difficulté : Moyen
Tel est le sujet de cet article du magazine Le Point, portant sur l’intérêt de prêter un peu d’attention au dernier repas de la journée afin de bénéficier d’un sommeil réparateur. Cet article sans grande prétention me permet cependant de vous apporter quelques notions d’ordre physiologique pour bénéficier d’un sommeil véritablement réparateur.
L’article commence plutôt bien en dévoilant l’origine de cette maxime, qui n’a rien à voir avec l’hypothèse pouvant faire croire que dormir compenserait un repas, mais qui se rapporte, en fait, à des temps anciens où les aubergistes affichaient à l’entrée de leur établissement cet avertissement : « Qui dort dîne », afin de signaler aux voyageurs qui souhaitaient une chambre pour la nuit que le repas préalable était obligatoire. Les affaires sont les affaires !
Puis, suit ce conseil de bon sens : éviter de prendre des boissons excitantes dès la fin de l’après-midi comme le thé ou le café, et pour les plus sensibles le chocolat, qui contiennent caféine, théine et théobromine. Ensuite, prendre de préférence un repas léger, puis une camomille, et ne pas se coucher à peine s’être sustenté, mais laisser un laps de temps d’au moins 60 à 90 minutes entre la fin du dîner et le coucher pour ne pas avoir le ventre « lourd », me semblent être également de bons conseils, mais qui ne méritent pas forcément un article dans un grand magazine.
C’est le dernier paragraphe abordant les ultimes conseils qui me gêne un peu, voire… beaucoup !
« Ceux qui ont peur de compter les moutons auraient intérêt à privilégier les aliments riches en amidon et les produits sucrés car, même si cela n’est pas scientifiquement établi, ils pourraient avoir un effet bénéfique (peut-être lié à une augmentation du taux de glucose dans le sang)».
Nous y sommes : voilà un bien mauvais conseil pour celles et ceux qui souhaitent bénéficier d’une nuit régénératrice, moment privilégié du système régulateur des graisses corporelles, et donc du poids. Je m’explique : l’augmentation du taux de glucose[1] dans le sang a pour effet de provoquer une sécrétion d’insuline adéquate afin de réguler la glycémie.
Privilégier l’amidon et les produits sucrés dans l’espoir d’un (très hypothétique !) meilleur endormissement, aura donc pour effet d’élever le taux d’insuline dans le sang, ce qui n’est pas sans répercussion sur la régénération.
Voici ce qu’il vous faut savoir :
- L’insuline est une hormone très puissante qui a pour effet de vous brancher en mode « stockage » en intimant l’ordre aux cellules adipeuses (cellules graisseuses) de produire de la graisse à partir du glucose sanguin, et d’interdire le déstockage des graisses de réserve, et cela, tant que sa présence est significative. Dans le cas d’un dîner riche en amidon et en produits sucrés, le mode « stockage » risque de durer plusieurs heures, imputant ainsi le précieux temps nocturne alloué au « déstockage » et à une bonne récupération.
- L’insuline a une structure moléculaire très proche de celle des « messagers » d’une autre hormone sécrétée uniquement après l’endormissement, qui favorise le déstockage des graisses de réserve afin d’être brûlées et de fournir l’énergie nécessaire à l’organisme durant toute la nuit, sans avoir à nous alimenter à nouveau.
Cette hormone (l’hormone de croissance) est l’hormone du « déstockage » des graisses de réserve, mais aussi de la régénération cellulaire. Elle favorise la réparation des tissus musculaires, tendineux et articulaires, de la peau, des cheveux, des ongles, des os, des organes… en stimulant au passage la fonction rénale. Pour faire court, cette hormone est l’hormone de la jeunesse. Le problème est qu’elle diminue avec l’âge, il faut donc la bichonner et ne pas entraver sa sécrétion spécifiquement nocturne.
L’insuline et les « messagers » de l’hormone de croissance sont malgré leurs fonctions antagonistes fortement semblables, et utilisent pour leur action les mêmes récepteurs cellulaires.
Si le taux d’insuline dans le sang est élevé au moment du coucher, en raison d’une alimentation riche en sucres rapides (attention à l’amidon !), les « messagers » de l’hormone de croissance n’auront, le moment venu, plus ou peu de moyens d’actions, les récepteurs cellulaires étant déjà « squattés » par l’insuline !
Plus l’insuline est présente au moment de l’endormissement, moins l’hormone de croissance peut s’exprimer durant le sommeil, et moins la régénération de l’organisme est efficace.
Je pense que vous avez compris l’intérêt de ne pas consommer de grande quantité de purée, frites, ou pâtes trop cuites avant d’aller se coucher, si vous souhaitez une nuit réellement régénératrice. Evitez également les desserts sucrés et farineux comme les gâteaux ou les biscuits.
Mais cela ne veut pas dire qu’il faille dîner sans plaisir ou se coucher le ventre vide. Je suis très attaché à la notion de plaisir gustatif, c’est pour cela que les bonnes protéines et les bonnes graisses alimentaires doivent impérativement être présentes dans l’élaboration du dîner (huile d’olive, avocat, poissons gras, viandes, œufs, fromage, beurre, crème, huile de coco vierge, oléagineux). Ces graisses et ces protéines prendront une part importante dans la régénération des tissus et des organes, y compris celle du cerveau et du système nerveux. Ils prendront également une part active dans la détoxication de l’organisme, notamment intracellulaire !
Quant aux sucres, préférez une quantité modeste de lentilles, haricots ou pâtes al dente, et accompagnez-les de légumes à faible teneur en amidon comme les épinards, les patates douces, les poireaux, les courgettes, les poivrons, les salades, etc.
Un dîner doit être à la fois plaisant côté goût, et satisfaisant côté réplétion, sans pour cela contenir trop de sucres. Il est également préférable de l’éloigner (si possible) du moment du coucher.
Pour le dessert ? Un peu de chocolat noir à 70% de cacao (s’il ne vous empêche pas de vous endormir), et/ou un fruit (pour celles et ceux qui ont un fort pouvoir digestif).
Pour terminer, je suis tout à fait d’accord avec le dernier conseil de l’article : boire une boisson chaude, durant le dîner ou à la fin du dîner. Cela permet une digestion plus rapide, amenant le bol alimentaire à une température favorable au travail de l’estomac. Une glace en dessert n’est pas ce qu’il y a de mieux pour une digestion rapide, car l’estomac devra attendre le réchauffement de l’ensemble des aliments avant de commencer pleinement son travail.
Et si vous avez envie de frites, de biscuits et de glace ? Dans le cadre d’une nuit réparatrice, je vous conseille de garder ces aliments pour d’autres moments de la journée.
[1] Le glucose est le sucre utilisé par l’organisme après digestion des amidons et autres sucres de l ‘alimentation.