Le Nutella, un véritable danger !

Source : www.meltyfood.fr

Article : Le 5 février, c'est le World Nutella Day !

Date de parution : 21.02.2013

Niveau de difficulté : Moyen

Depuis 2007, le 5 février est pour les afi­cio­na­dos de pâte à tar­ti­ner au goût de noi­settes, une date anni­ver­saire : c’est le Nutella Day ! Ce sont deux amé­ri­caines vivant en Italie qui ont lan­cé ce mou­ve­ment sui­vi par quelques mil­liers de gour­mands à tra­vers le monde.

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Alors, est-ce une héré­sie de fêter un ali­ment jugé trop gras, d’autant qu’il s’agit d’un gras sup­po­sé mau­vais ? Nous allons essayer de répondre à cette ques­tion à tra­vers « l’affaire Nutella » :

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Fin 2012, la com­mis­sion des Affaires Sociales du Sénat vou­lait adop­ter un « amen­de­ment Nutella » au pro­jet du bud­get de la Sécurité Sociale afin de taxer de 300% l’huile de palme, une huile omni­pré­sente dans l’industrie ali­men­taire et consi­dé­rée comme néfaste pour la san­té. L’initiateur de ce pro­jet était le séna­teur Yves Daudigny qui pré­ci­sait que cette taxe devait consti­tuer un signal « non à des­ti­na­tion des consom­ma­teurs, mais à des­ti­na­tion des indus­tries agro-alimentaires pour qu’elles sub­sti­tuent à ces huiles de nou­velles com­po­si­tions plus res­pec­tueuses de la san­té humaine ». Mais, je me pose la ques­tion sui­vante : que sait pré­ci­sé­ment Mr Daudigny des huiles res­pec­tueuses de la san­té humaine, et que sait-il réel­le­ment de l’huile de palme ?

Rien d’autre appa­rem­ment que les fausses allé­ga­tions lan­cées et déve­lop­pées par les lob­bies agro-alimentaires, dans les années 1960 aux Etats-Unis, qui sou­hai­taient déve­lop­per le mar­ché des huiles végé­tales dites « poly­in­sa­tu­rées », l’huile de soja en tête de liste. Pour cela il leur fal­lait détruire la répu­ta­tion des graisses végé­tales dites « satu­rées », comme l’huile de palme, de pal­miste et de coprah, auprès du public et des pro­fes­sion­nels de la san­té ; une dés­in­for­ma­tion orga­ni­sée et tel­le­ment répan­due qu’elle est aujourd’hui bien acquise et consi­dé­rée comme véri­té abso­lue par tous (ou presque !).

Je sou­hai­te­rais, à l’oc­ca­sion de ce « Nutella Day », réta­blir en quelques lignes la véri­té sur les graisses satu­rées de l’huile de palme qui, soi-disant, « contri­buent au déve­lop­pe­ment de l’o­bé­si­té et favo­risent les mala­dies cardio-vasculaires » :

  • L’huile de palme est confec­tion­née à par­tir des fruits du pal­mier à huile. Cette huile natu­rel­le­ment très colo­rée et extrê­me­ment riche en anti­oxy­dants a été uti­li­sée par de nom­breuses popu­la­tions pen­dant plus de cinq mille ans dans dif­fé­rentes par­ties du monde et a admi­ra­ble­ment contri­bué au bon main­tien de leur santé.
  • L’huile de palme est solide à tem­pé­ra­ture ambiante, elle est très stable, ne ran­cit pas faci­le­ment, et sup­porte par­fai­te­ment les hautes tem­pé­ra­tures. Ce sont ces qua­li­tés natu­relles qui lui confèrent l’intérêt de l’industrie ali­men­taire (en dehors de sa bonne ren­ta­bi­li­té financière).
  • L’huile de palme contient des graisses satu­rées[1] dia­bo­li­sées à tort, ce que les études scien­ti­fiques indé­pen­dantes[2] tentent de démon­trer ces der­nières années en prou­vant clai­re­ment leurs ver­tus et en démon­trant que les graisses natu­relles satu­rées ne sont pas res­pon­sables des mala­dies cardio-vasculaires. Le prin­ci­pal cou­pable serait en véri­té, la sur­con­som­ma­tion de sucres rapi­de­ment assi­mi­lés par l’organisme, qui induit un taux d’insuline dans le sang chro­ni­que­ment éle­vé. Les pics gly­cé­miques[3] suc­ces­sifs crée­raient avec le temps, une inflam­ma­tion très per­ni­cieuse des parois de nos vais­seaux san­guins, créant un état pro­pice à l’athérosclérose[4] et aux rétré­cis­se­ments des artères. Mais les « véri­tés » éta­blies semblent avoir la peau dure. On se trompe de cible, ce qui est dan­ge­reux pour la san­té, ce n’est pas l’huile de palme du Nutella, mais le sucre qu’il contient (55% du pro­duit) et le pain blanc sur lequel il est éta­lé, tous deux des sucres rapides, alors gare aux quan­ti­tés absorbées !

Il existe cepen­dant une condi­tion pour laquelle l’huile de palme est dan­ge­reuse : lorsqu’elle est modi­fiée par l’industrie ali­men­taire afin de la rendre encore plus « satu­rée », plus solide et plus stable. Cette mani­pu­la­tion humaine crée des graisses « hydro­gé­nées » ou « Trans », véri­tables « poi­sons » pour l’organisme, qui sont depuis plu­sieurs décen­nies les véri­tables res­pon­sables (avec les sucres rapides et l’insuline en excès) du sur­poids, de l’obésité et des mala­dies cardio-vasculaires.

Les graisses Trans n’entrent plus aujourd’hui dans la com­po­si­tion du Nutella, l’huile de palme uti­li­sée dans ce pro­duit est donc sans dan­ger pour la santé.

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Il me faut main­te­nant dire quelques mots sur les « huiles de nou­velles com­po­si­tions plus res­pec­tueuses de la san­té humaine », si chères aux yeux de notre huma­niste Mr Daudigny. Sont-elles vrai­ment si respectueuses ?

Non, car :

  • L’industrie ali­men­taire a besoin, pour diverses rai­sons orga­no­lep­tiques (goût, tex­ture, consis­tance, main­tien,…) d’une matière grasse solide plu­tôt que liquide, donc de graisses ali­men­taires et non d’huiles ; ima­gi­nez vos bis­cuits favo­ris suin­tant l’huile à tem­pé­ra­ture ambiante ! Si l’huile de palme, ou plus jus­te­ment la graisse natu­relle de palme, est ban­nie des recettes indus­trielles, elle sera, en Europe, très pro­ba­ble­ment[5] rem­pla­cée par de l’huile de tour­ne­sol et éven­tuel­le­ment par de l’huile de col­za, deux huiles par­fai­te­ment liquides qu’il va fal­loir rendre plus solides. Pour cela l’industrie ali­men­taire sera ten­tée de recou­rir au pro­cé­dé d’ « hydro­gé­ni­sa­tion », peu coû­teux, mais géné­ra­teur des graisses « Trans » très délé­tères dont je vous ai par­lé un peu plus haut.
  • Ces huiles de tour­ne­sol et de col­za sont des huiles fra­giles, peu stables, qui ran­cissent vite lorsqu’elles sont natu­relles. Pour pal­lier à ce pro­blème (en par­tie), elles sont ultra raf­fi­nées, donc déna­tu­rées, et perdent alors tout inté­rêt nutritionnel.
  • L’huile de tour­ne­sol est une huile riche en Omega6 et aggrave le rap­port Omega6/Omega3 déjà désas­treux de l’alimentation moderne et qui est res­pon­sable de nom­breux maux d’aujourd’hui comme un état inflam­ma­toire chro­nique res­pon­sable de nom­breux troubles cardio-vasculaires, notam­ment la for­ma­tion de plaques d’athérome !
  • Même si l’huile vierge de col­za est une huile natu­rel­le­ment riche en Omega3 et serait pour cela bien­ve­nue pour amé­lio­rer le rap­port Omega6/Omega3 de notre ali­men­ta­tion, cette huile est extrê­me­ment fra­gile. Pour résoudre ce pro­blème l’industrie ali­men­taire a créé, tout en conser­vant l’image « colza=Omega3 », une nou­velle varié­té de col­za plus résis­tante à la cha­leur, mais pour cela enri­chie en Omega6 et très appau­vrie en Omega3 !
  • Si la légis­la­tion fran­çaise n’oblige tou­jours pas les indus­triels à sti­pu­ler sur les embal­lages les motions « graisses Trans », « graisses hydro­gé­nées » ou « graisses par­tiel­le­ment hydro­gé­nées », les soi-disant « huiles plus res­pec­tueuses » seront tou­jours Trans-formées et donc nocives pour la san­téAu final le résul­tat sera pire, on pas­se­ra d’une huile de palme saine, à une autre huile végé­tale, moins nutri­tive et hydrogénée.

Au vu de tout cela, je ne suis donc pas sûr que sur le plan san­té le mal décrié existe réel­le­ment et je suis encore moins sûr que le trai­te­ment pro­po­sé soit, au final, plus sain que le mal supposé.

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Alors quelle serait la solu­tion parfaite ?

Eh bien, il fau­drait tout sim­ple­ment s’assurer que l’huile de palme uti­li­sée soit une huile de palme natu­relle et non hydro­gé­née, une huile de palme moins raf­fi­née qu’elle ne l’est actuel­le­ment afin qu’elle conserve ses qua­li­tés nutri­tives et antioxydantes.

Mieux encore, il fau­drait la rem­pla­cer par de l’huile vierge bio­lo­gique de pal­miste ou de coprah (issues res­pec­ti­ve­ment du noyau du fruit du pal­mier et de la noix de coco) car ces graisses satu­rées (solides à l’état natu­rel) sont de véri­tables tré­sors de bien­faits en rai­son de leur haute teneur en acide lau­rique, ce même acide gras que l’on trouve dans le lait mater­nel et qui assure l’immunité intes­ti­nale des bébés ; une graisse natu­rel­le­ment anti­bac­té­rienne, anti­bio­tique et anti­fon­gique ; une graisse qui ne se stocke pas car direc­te­ment uti­li­sée par l’organisme pour four­nir de l’énergie ; une graisse qui aug­mente le méta­bo­lisme et qui aide donc à perdre du poids !

Les graisses natu­relles satu­rées, beurre et graisses ani­males com­pris, ne sont donc pas les graisses que l’on nous dit être mau­vaises depuis des décen­nies, il est grand temps de les réha­bi­li­ter. Les graisses dites « poly­in­sa­tu­rées », celles jugées bonnes pour la san­té et « res­pec­tueuses de la san­té humaine » le sont effec­ti­ve­ment, mais à condi­tion de ne pas désta­bi­li­ser le bon rap­port Oméga3/Oméga6, et à condi­tion d’être consom­mées vierges et bio, de pré­fé­rence à basses tem­pé­ra­tures et non mani­pu­lées par l’industrie alimentaire.

Je n’aborderai pas ici le pro­blème envi­ron­ne­men­tal actuel de la culture mas­sive des pal­miers à huile et de la défo­res­ta­tion en Malaisie ou en Indonésie, car cela sort de mon domaine de com­pé­tence, et qu’une culture équi­table et res­pon­sable dans ce domaine est tout à fait pos­sible, que des efforts sont actuel­le­ment entre­pris par cer­taines grandes enseignes[6] qui tiennent à leur image de marque, et qu’il revient aux poli­tiques d’agir dans ce sens.

Pour finir, un mot sur l’hypocrisie poli­ti­cienne : si le Sénat pen­sait réel­le­ment œuvrer pour la san­té des citoyens, il ferait tout ce qui est en son pou­voir pour inter­dire un pro­duit qu’il juge dan­ge­reux ; il ne se conten­te­rait pas d’étudier une éven­tuelle taxe de 300%, qui comme l’espérait Mr Daudigny, aurait rap­por­té 40 mil­lions d’Euros par an à l’Etat.

N’y a t‑il pas quelque chose d’incroyablement cupide à vou­loir spé­cu­ler sur un pro­duit « néfaste », sachant per­ti­nem­ment que ce « mes­sage envoyé aux indus­triels » sera inopé­rant et qu’au final ce sera le consom­ma­teur qui paie­ra la note en sup­por­tant l’augmentation de ses pro­duits favo­ris, et l’Etat qui se rem­pli­ra les poches ?

En plus d’être igno­rants, cer­tains font preuve de cynisme !

Mais l’amendement a fina­le­ment été reje­té en com­mis­sion par l’assemblée et il fau­dra attendre l’examen du bud­get 2013 pour connaître la suite de l’épisode.Quoi qu’il en soit, ne pri­vez pas vos enfants, à l’occasion, d’une bonne couche de leur pâte à tar­ti­ner pré­fé­rée sur une tranche de pain com­plet bio, au levain, à l’heure du goû­ter, et trem­pez votre doigt dans le pot au pas­sage si le cœur vous en dit !

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[1] Know Your Fats : The Complete Primer for Understanding the Nutrition of Fats, Oils and Cholesterol. Mary G.Enig.

[2] Ex : – http://www.i‑dietetique.com/articles/acides-gras-satures-vers-une-rehabilitation-mondiale/8287.html – Caloric Sweetener Consumption and Dyslipidemia Among US Adults. JAMA. 2010;303(15):1490 – 1497. doi:10.1001/jama.2010.449

[3] Niveau éle­vé de sucre dans le sang.

[4] L’athérosclérose se défi­nit comme un dépôt pro­gres­sif de graisses, liée à cer­tains autres méta­bo­lites comme le cal­cium, sur les parois internes des artères et pou­vant mener à leur obs­truc­tion par­tielle ou totale.

[5] Le beurre rem­pla­ce­rait à mer­veille l’huile de palme, mais sa richesse natu­relle en graisses satu­rées lui donne mau­vaise presse.

[6] Enseignes qui par­ti­cipe au RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) comme Bjorg ou Nestlé. Notons tou­te­fois que bien des efforts sont encore à accom­plir pour l’avènement d’une pro­duc­tion équi­table géné­ra­li­sée de l’huile de palme.World_Nutella_Day_Final